Dis-moi comment tu aimes, je te dirais comment tu es attaché !
« Nous ne pouvons donner que deux choses à nos enfants, des racines et des ailes - Proverbe juif »
I. En quelques mots, l’attachement qu’est-ce que c’est ?
Du fait de notre nature animale, nous sommes biologiquement programmés pour nous attacher aux autres, et ce dès la naissance. « Un bébé seul n’existe pas » écrivait Donald Winnicott. En effet, un bébé ne peut survivre sans un adulte s’occupant de ses besoins primaires de nourriture et de sécurité, et cela inclut ses besoins affectifs : être regardé, pris dans les bras, cajolé, bercé, dorloté, etc.
Selon la qualité des relations vécues avec nos parents, nous avons développé pendant l’enfance une certaine façon d’être au monde, d’être avec les autres et d’être avec soi-même, émotionnellement.
Ces façons de fonctionner sont appelés styles d’attachement.
A l’âge adulte, sont impactés et concernés par notre style d’attachement, en premier lieu nos relations avec notre conjoint(e), qui devient notre figure d’attachement principale, en général, et avec nos ami(e)s proches.
Lorsque nous avons grandi dans un environnement familial sécurisant avec peu d’évènements traumatiques et surtout où nos émotions étaient nommées et accompagnées et notre personnalité reconnue et soutenue, nous avons eu plus de chance d’avoir développé un style d’attachement dit sécure.
Aujourd’hui, selon les principes de l’attachement théorisés par John Bowlby, psychiatre britannique et développés par une lignée de chercheuses, il existe quatre styles d’attachement différents :
- Sécure
- Anxieux
- Évitant
- Désorganisé
Les trois derniers faisant partis de la famille des « insécures ».
Découvrir et travailler sur son style d’attachement dominant, permet de :
- Avoir une nouvelle vision de vous-même et des autres, un nouveau sens est apporté ;
- Ouvrir les yeux sur nos propres fonctionnements et/ou sur ceux de nos proches (ce qui peut être remuant) ;
- Prendre conscience des répétitions de comportements dans nos vies ;
- Construire des relations plus apaisées.
II. Saurez-vous reconnaître quel style d’attachement vous parle le plus ?
1. Style d’attachement dit « sécure »
Ce type d’attachement concerne, selon les études, 50 à 60 % de la population générale, tous âges confondus.
Il caractérise les personnes ayant eu un environnement général, notamment familial, suffisamment sécurisant dans l’enfance pour favoriser une manière d’être au monde relativement stable et adaptée au niveau émotionnel, cognitif et comportemental.
Cela n’épargne pas des aléas de la vie, mais c’est un facteur de protection contre le développement de difficultés psychiques.
Ce style d’attachement se caractérise par 4 éléments, indissociables :
a. Plus fort – sécurité physique
Dans le sens où un parent est plus « costaud » que l’enfant et représente ainsi pour lui une base de sécurité physique, à la fois réconfortante et rassurante.
b. Plus sage – sécurité intérieure
Le parent sécurisant est celui qui a acquis une relative sagesse de la vie et de ses rouages qui lui permet d’accompagner son enfant en posant sur lui un regard d’adulte doté, non pas d’une compréhension absolue de la vie, mais d’une vision du monde adaptée, réaliste et plutôt positive.
c. Un refuge
Bowlby décrit la figure d’attachement sécurisante comme étant le refuge ou le havre de sécurité vers lequel l’enfant se tourne lorsqu’il est en détresse.
L’enfant ressent et pense concernant son parent : « Quand je ne vais pas bien, je peux demander de l’aide et quelqu’un va s’occuper de moi. Ce que je suis a de la valeur, l’autre a de la valeur et le monde vaut la peine d’être exploré. »
Bien plus tard, ces modèles permettront à l’adulte sécure dans une situation éprouvante d’identifier ses émotions, de les verbaliser et d’interpeller ses figures d’attachement (conjoint(e) ou ami(e)s) qui seront alors le refuge de sécurité dont il a besoin pour traverser l’épreuve de manière adaptée et constructive.
d. Une base de sécurité pour explorer le monde
L’enfant a aussi besoin de développer sa personnalité et ses richesses intérieures pour devenir plus tard un adulte avec une autonomie de pensée et d’action. Il s’agit là de ses besoins d’exploration et du processus d’individuation.
Grâce aux racines, c’est-à-dire un attachement sécure aux parents, l’enfant peut voler de ses propres ailes et explorer le monde, en se sentant en sécurité.
2. Je t’aime moi non plus, ou l’attachement dit « anxieux »
La personne avec ce style d’attachement anxieux, ou fusionnel, représente environ 20 % de la population générale.
Caractéristiques de ces personnes ayant cet attachement :
- Grand besoin de proximité pour être rassuré(e) et réconforté(e)
- Besoin de sentir le soutien physique et psychique de quelqu’un pour diminuer son anxiété
- Amplification du négatif et minimisation du positif
- Très sensible émotionnellement
- La colère et l’anxiété dominent
- Ses relations sont très investies et importantes, elles sont néanmoins souvent source de déception et d’ambivalence, comme si elles n’étaient jamais suffisantes pour calmer la part intérieure de l’anxieux qui a tant besoin d’être rassuré et porté par l’autre. L’anxieux a des besoins relationnels tels qu’il n’est que rarement satisfait et reste plus souvent frustré. Cela peut donner le sentiment à l’autre (conjoint, ami, enfant, …) de ne jamais être assez.
- Grand besoin de réconfort, qui peuvent mener à la dépendance affective. Son modèle interne pouvant se verbaliser comme cela « si je demande beaucoup à l’autre, je finirai par recevoir un peu, et en même temps je suis en colère car ce n’est pas suffisant pour m’apaiser vraiment. »
L’ambivalence réside dans ce double mouvement : avoir besoin de l’autre, ne pas pouvoir faire sans lui, tout en trouvant que ce n’est jamais assez, en en voulant toujours plus.
- Faible estime de soi : la personne peut parfois surprendre par la férocité et la fréquence de ses critiques envers les autres, toutefois cela est à la hauteur des critiques qu’elle s’inflige à elle-même, silencieusement ou publiquement. D’ailleurs, les compliments venus de l’extérieur l’apaisent un peu, mais ne semblent jamais l’atteindre en profondeur.
3. « Je ne peux compter que sur moi-même » ou l’attachement évitant
Ce style d’attachement touche environ 25 % de la population.
Leur comportement est en fait un mécanisme de défense qui leur a permis de faire face durant leur enfance, voire de survivre, dans un contexte où les émotions n’avaient pas leur place.
Lorsque l’enfant recherchait la proximité de ses parents dans des moments de stress, il ne recevait pas le réconfort nécessaire, voire même était jugé et rejeté. A force d’expériences répétées de ce type, il a intégré l’idée que ses émotions n’étaient ni montrables, ni valables, et qu’il valait mieux finalement se débrouiller seul pour contrôler la détresse intérieure.
Caractéristiques de ce type de personne évitant :
- Minimisation de ses émotions et de ses besoins relationnels : symphonie familiale implicite de contrôle émotionnel.
- Peur d’une proximité émotionnelle venant de l’autre. Dans ces familles, toute proximité émotionnelle et même physique (à travers les câlins) est évitée car personne n’a appris à la vivre de façon sereine et constructive. Du coup, ça fait peur et la personne adulte va éviter cela. Car il a associé enfant, proximité et danger, et adulte prend ses distances, peut fuir, pour éviter de souffrir à nouveau.
- Froideur et distance, une vie détachée de soi et des autres. Les personnes détachées peuvent être tout à fait sociables, avoir notamment des amitiés durables en apparence investies et satisfaisantes, mais en réalité les échanges restent en surface et toute question touchant aux ressentis est évitée, soit implicitement par le cynisme ou l’humour, soit explicitement. De l’extérieur, la personne évitante donne l’impression, surtout aux personnes sécures ou anxieuses, d’être froide, autosuffisante, hautaine, ce qui tend à réduire les relations.
- Vision du monde pragmatique et orientée vers le présent et le futur.
- Méfiance vis-à-vis de l’Autre
- « Si je demande, je serais rejeté, donc je ne peux compter que sur moi-même ». Les évitants ont peu reçu d’affection et de soutien des personnes qui auraient dû veiller sur eux, donc logiquement, ils s’attendent inconsciemment à ce que cela se reproduise à l’âge adulte avec leur conjoint, leurs amis, etc.
- Masque de maîtrise, qui cache un manque d’assurance et d’amour de soi
- Souvent dépassé par ses émotions, ne sait pas les réguler.
4. « Fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis » ou l’attachement désorganisé
Il concerne environ 5 % de la population.
Ce style d’attachement est en fait un mélange de comportements anxieux (hyperactivation émotionnelle et comportementale) et de comportements évitant (désactivation émotionnelle et comportementale).
Lorsque le stress n’est pas trop élevé, la personne reste relativement organisée psychiquement, sur un mode soit évitant, soit anxieux.
Caractéristiques et comportements :
- Émotions imprévisibles : parfois excessives et dévastatrices, et parfois absentes et la personne paraît déconnectée de la réalité et peut évoquer un vide qui désarçonne l’entourage.
- Capacité de flexibilité et d’adaptabilité amoindrie.
- Plus sujette aux troubles psychiques comme la dépression, les troubles anxieux (crises d’angoisses, troubles obsessionnels compulsifs, phobies, etc). Bien souvent les parents des personnes désorganisées ont eux-mêmes souffert de troubles psychiques, voire psychiatriques, et n’ont pas pu sécuriser leur enfant du fait de leur imprévisibilité massive. Comment m’apaiser quand celui ou celle qui est censé(e) veiller sur moi est la source directe de ma détresse ?
- Difficile à comprendre, à apaiser et souvent les enfants rencontrent des problèmes de concentration à l’école et ont des difficultés à nouer des amitiés stables.
- Image de soi instable et négative, qui se retrouve dans leurs conduites autodestructrices : relations toxiques, échecs professionnels, addictions, négligence de leur santé, tentative de suicide parfois.
III. Quelques clés pour transformer les blessures d’attachement
1. Les défis de l’attachement anxieux
- Apprendre à mieux s’autoréguler émotionnellement
Le flot émotionnel dans lequel baigne un anxieux est épuisant, pour lui-même mais aussi pour l’entourage. La priorité est donc d’apprendre à mieux appréhender et réguler ses propres émotions afin de ne plus être dirigé par elles en permanence.
Cela peut passer par des techniques de respirations, des approches psychologiques (telles que EFT, hypnose, thérapie, etc), la pratique physique et sportive pour éliminer les toxines émotionnelles stockées et bloquées dans nos corps et enfin faire preuve de discipline, persévérance … et patience.
- Se donner davantage la priorité et prendre soin de soi
L’attention des personnes avec un attachement anxieux est centrée davantage sur les autres que sur elles-mêmes. Elles sont très préoccupées par l’autre : par ce qu’il pense, dit et fait. Au détriment de soi et de ses propres besoins.
La première étape sera donc de se reconnecter à ses propres besoins, pour (re)trouver une justesse entre l’écoute de ses besoins et celle de ceux des autres. Un long travail qui mènera à trouver une sécurité intérieure suffisante pour oser le « non », oser poser les limites et oser dire ses besoins.
Puis, il s’agira de découvrir qui l’on est, ce que l’on aime et ce pour quoi on est ici.
2. Les défis de l’attachement évitant
- Se connecter à son corps et à ses émotions
A la suite des expériences douloureuses de l’enfance, l’évitant a inconsciemment pris le parti de se couper de son corps et des états internes qui vont avec : sensations, émotions, mais aussi pensées activatrices de détresse comme les souvenirs pénibles.
Ce qui peut aider à se reconnecter à son corps et ses émotions est la danse libre par exemple, ou encore les approches corporelles (ostéopathie, acupuncture, massages ayurvédiques, etc), ou encore l’art-thérapie ou encore la méditation de pleine conscience.
- Nommer les sensations et les endroits du corps associé
Il est important aussi que les personnes évitantes apprennent à nommer les sensations et les endroits du corps qui leur sont associés.
Par exemple, la personne ressent une sensation, une émotion, lui demander à quel endroit de son corps ce ressenti est. S’il avait une couleur, de quelles couleur s’agit-il ? si c’était une forme, ce serait laquelle ? etc.
- Apprendre à demander de l’aide, et à la recevoir
Le dernier grand défi des personnes évitantes est de demander de l’aide, mais aussi de pouvoir la recevoir.
Elles ont appris dans l’enfance que lorsque l’on demandait de l’aide, soit il n’y avait tout simplement personne pour la leur apporter, soit on leur faisait comprendre plus ou moins violemment que leur demande n’était pas la bienvenue, et elles ont reçu de l’indifférence, du rejet, voire de la maltraitance alors qu’elles attendaient de l’attention et une satisfaction de leur besoin.
Inévitablement, plus tard, se mettre en position de demande est inconsciemment dangereux pour eux et source de souffrance personnelle, puisqu’ils ont intégré, plus jeune, que demande d’aide = faiblesse.
Au début, ce qui peut aider c’est de commencer par solliciter son entourage proche (conjoint ou ami proche) pour de petites choses, pour ensuite expérimenter que la plupart de nos camarades sont heureux d’aider l’autre et d’être utile. La confiance en l’autre se restaurera petit à petit.
3. Les défis de l’attachement désorganisé
- Prendre conscience de ses ressources
L’attachement désorganisé vient de traumatismes majeurs du lien aux autres. Le narcissisme de la personne est sévèrement abîmé et la confiance en soi et l’autre est réduite, quasi à néant. C’est donc son plus grand défi.
L’humain est ainsi programmé pour rechercher de l’aide en cas de détresse, ainsi voyez sur quelle(s) personne(s) vous vous êtes déjà appuyé pour vous épauler pour traverser le chaos en attendant des jours meilleurs. Quelles sont ou ont été vos personnes ressources ?
Desfois il peut s’agir d’activités aussi qui vous ont servies, telles que le sport, la lecture ou autre.
- Oser tisser de nouveaux liens de confiance
Le dilemme de l’attachement désorganisé est : que faire quand on ne croit ni en soi, ni en l’autre ?
Oser. Oser encore. Oser quand même. Oser même si la peur est présente et légitime. Tenter malgré tout l’expérience humaine de la rencontre et de la relation.
Pour un premier pas, les premières expériences correctrices se font parfois avec un professionnel de la relation d’aide.
- Travailler et guérir les traumatismes
Un message important à faire passer, il est aujourd’hui possible de revenir ses les évènements traumatiques de sa vie, dans un cadre de sécurité avec un thérapeute formé, et d’apaiser profondément et de manière pérenne les parties de soi qui ont été plongées dans des émotions parfois indicibles. Le corps n’oublie rien, il est essentiel de ne pas rester seul avec ses blessures.
J’espère que cet article vous aura apporter quelques éclairages. En tout cas, pour tous, c’est une sortie de sa zone de confort.
Fonctionner comme cela a toujours été, même si c’est chaotique et source de souffrance, est parfois plus « confortable » car bien connu et « rodé », alors à tous ceux qui osent et oseront se regarder en face et faire face, profondément, je vous souhaite beaucoup de force et de courage.
Nous sommes tous humains, donc par nature, parfaitement imparfaits, il ne s’agit pas de vous auto-flageller ;)
Si vous voulez aller plus loin sur ce sujet, je vous conseille la lecture du livre "guérir des blessures d'attachement" de Gwénaëlle Persiaux.