La vulnérabilité et ses idées reçues

La vulnérabilité et ses idées reçues


« Je pense que la plupart de nos maux viennent de notre manque de courage. »


"Sois fort(e) !
Sois courageux(se) !
Ne montre pas tes émotions !
Sois un gagnant !
Ne compte que sur toi-même !
Ça va aller, ne pleure pas !
Ne pleure pas devant les autres, ne leur fait pas ce plaisir !"


Ses phrases vous disent quelque chose … ? Il y en aurait tellement d’autres à dire / écrire …
Soit on grandit en entendant cela de notre environnement proche (parents, famille) soit selon nos expériences professionnelles et personnelles. À force, nous finissons par nous blinder, enfilons une armure, pensant être protégé.
Mais chacun de nous au fonds sait que l'armure se fend en permanence, une émotion trop forte, une phrase de trop, "une attaque" envers nous ou notre travail, il suffit bien souvent de bien peu de chose …


Et, en fait, être vulnérable, est inévitable dans nos vies, c'est une réaction physiologique, ça a un impact dans notre corps, dans nos réactions. Ce moment de l'impact justement, où la gorge se serre, les repères internes s'affolent, quand on sait qu'on est à quelques secondes que l'autre en face, ou les autres, voit que le masque tombe, décèle l’émotion, le malaise, la honte aussi … car finalement c'est bien de cela qu'il s'agit.


Mais, finalement c’est quoi la vulnérabilité ?


Selon la définition du Larousse, vulnérable, c’est :
- Personne qui est exposée à recevoir des blessures, des coups ;
- Personne qui est exposée aux atteintes d’une maladie, qui peut servir de cible facile, aux attaques d’un ennemi ;
- Personne qui, par ses insuffisances, ses imperfections, peut donner prise à des attaques.


Pour continuer, en synonyme, on retrouve les mots FRAGILE, SENSIBLE, PRÉCARITÉ.


Et là, je me dis qu’il y a du chemin à faire, tellement les côtés négatifs sont ancrés jusque dans nos dictionnaires.


Selon Brené Brown, chercheuse en relations humaines, la vulnérabilité repose sur 3 éléments :


 


Incertitudes + Risques + Exposition émotionnelle = Vulnérabilité



La vulnérabilité est le sentiment qu’on a lorsqu’on est dans le doute, en situation de risque, et exposé émotionnellement.


Si un des éléments manque, ce n’est pas être vulnérable.


Et c’est là qu’un autre thème apparaît, le courage, car être courageux sans jamais s’exposer n’existe pas. Le courage et la vulnérabilité vont de pair.


Cherchez et donnez-moi un seul exemple de moment de courage sans incertitude, sans prise de risque et sans exposition émotionnelle dans vos vies ? J’ai eu beau chercher, je n’en ai pas trouvé.



I. Se montrer vulnérable est une faiblesse



Avant de lire la suite, j’ai envie de vous demander :
« Pour moi, la vulnérabilité, c’est … ? »
« Que ressentez-vous quand vous êtes vulnérables ? »


Je serais curieuse de connaître vos réponses, mais de par mon expérience dans mes ateliers, conférences ou accompagnements, j’entends que finalement la vulnérabilité c’est se retrouver nu(e)s, et ce n’est pas quelque chose d’agréable.


Tellement de déviations pour l’éviter, tellement de jugements et critiques envers ceux qui en font preuve, tellement peur finalement que la carapace craque …. Et pourtant, vous vous épuisez pour rien à la cacher, la vulnérabilité est au cœur de nos émotions et des sentiments.


Ressentir c’est être vulnérable. Croire que la vulnérabilité équivaut à de la faiblesse, c’est croire que le sentiment est une faiblesse.


Notre société est en train de perdre sa tolérance aux émotions, dans ce monde où la compétition prime, toujours plus, toujours plus vite, nous en perdons ce qui fait notre humanité, aucun logiciel, aucun CMS, aucun robot ne pourra échouer certes mais avoir la capacité de se relever, de rebondir, d’apprendre, d’aimer, de ressentir.


La vulnérabilité est le terreau de l’amour, de l’intimité, de la joie, du courage, de l’empathie et de la créativité. Elle est la source de l’espoir, de la responsabilité et de l’authenticité.


Finalement, je vous donne un autre angle de vue.
Dans la nature, instinctivement, les animaux savent – sentent, quand un animal est blessé, plus faible, et selon la loi de la nature, c’est plutôt vers cette proie qu’ils vont s’approcher et tuer.


Dans nos vies, c’est la même chose, nous sentons quand quelqu’un ne va pas bien, lorsque nous fréquentons des personnes quotidiennement, nous savons également ce qui les blesse. Avec notre fameuse armure que nous mettons face aux autres, il suffit pour l’autre d’attaquer ce qu’il y a juste derrière l’armure, ce qui vous touche directement, ce que vous tentez de cacher ardemment, pour que vous réagissiez avec vigueur, à vif. Plus vous tentez de cacher vos différentes facettes, plus elles sont visibles pour les autres et plus instinctivement, ils vont appuyer dessus et plus vous allez souffrir. C’est un véritable cercle vicieux.


Alors que si vous êtes conscient de toutes vos facettes, vos sensibilités, personne en face n’a d’accroche pour vous attaquer puisque tout est visible et que vous êtes ok avec ça …. Vous reprenez votre pouvoir.


« Quand on n’est pas conscient de sa propre sensibilité, on court davantage le risque d’être blessé. »


 


II. « Moi, je ne fais pas dans la vulnérabilité ! »



Vous savez ce qu’est le principal risque de la vulnérabilité ? C’est de découvrir que vous êtes une personne ordinaire.


Et ça c’est quelque chose qui peut être difficile à vivre, surtout dans nos sociétés actuelles, peur de ne pas se sentir assez extraordinaire pour être remarqué, aimé, avoir un sentiment d’appartenance et d’utilité.


Le message omniprésent affirme qu’une vie ordinaire est une vie sans significations.


Il faut toujours en montrer plus, tout le monde a sa propre vitrine maintenant et ne montre pas le revers de la boutique. Nos enfants, nourris de culture de célébrités, d’émissions de télé-réalité et de réseaux sociaux non supervisés, peuvent absorber le message dangereux suivant « je mesure ma valeur au nombre de « j’aime » que j’obtiens sur Facebook ou autres réseaux sociaux. »


La peur est au centre de tout aujourd’hui : crise économique, catastrophes naturelles, augmentation de la violence, peur d’être licencié, d'être au chômage, sans argent, de manquer finalement. On passe un temps démesuré à calculer combien on a, combien on veut, combien on n’a pas, et combien les autres ont et veulent.



III. « Je vais commencer à la pratiquer seule et après on verra face aux autres. »



Notre câblage neuronal nous pousse à nous connecter aux autres. Là, où il n’y a pas de connexion, d’amour et d’intégration, il y a toujours la souffrance.


Combien d’entre vous veulent plus d’amour ? Plus d’intimité ?
Vous ne pouvez pas avoir cela, si vous-même vous ne permettez pas que l’autre vous voie, si vous ne voulez pas être vu.


La vulnérabilité est le chemin de l’un vers l’autre, mais on a peur de l’emprunter, par peur de souffrir, de se faire abandonner, trahir, et on finit par se faire mutuellement du mal.


S’exposer aux autres, se dire dans toute notre vulnérabilité est le seul moyen d’avoir un retour, en tout cas authentique.


Vous pouvez passer des heures à méditer, à vous isoler, à travailler sur vous-mêmes, le vrai test pour voir si vous avez intégré tout ce que vous avez ressenti, vu ou lu, c’est de vous confronter aux autres, c’est eux qui nous révèlent nos plus beaux trésors ou nos blessures, c’est à partir de ces confrontations que l’on peut continuer de nous améliorer.


Osez,
Soyez vu,
Répondez à l'appel du courage.



IV. Être vulnérable, c’est tout dire, à n’importe qui



Nous avons vu que la vulnérabilité est fondée sur la réciprocité, il y faut donc des limites et de la confiance.


On ne peut pas toujours avoir de garanties quand on prend le risque de parler, seulement nous pouvons choisir avec qui nous le faisons, cela suppose d’avoir développé une relation à même de supporter le poids de l’histoire qu’on veut partager.


Une vulnérabilité mutuelle et respectueuse aboutit à l’accroissement de la confiance et de l’engagement et au resserrement du lien.


On ne mesure pas la vulnérabilité à la quantité de ce qu’on révèle, on la mesure à la quantité de courage qu’il faut pour se montrer et être vu quand on ne contrôle pas le résultat.


Être vulnérable, c’est donc être au clair sur ses valeurs, ses limites et son intégrité.


La vulnérabilité sans bornes mène au détachement, à la méfiance et à la rupture.
Faire des révélations intempestives, « tout dire », est une autre manière de se protéger de la vulnérabilité réelle. L’excès d’information n’a d’ailleurs rien à voir avec l’excès de vulnérabilité. Quand on passe d’un état vulnérable à l’utilisation de la vulnérabilité pour compenser des insatisfactions, attirer l’attention ou provoquer la stupeur, la vulnérabilité fait faillite d’elle-même.



V. S’il y a bien un endroit où la vulnérabilité n’a pas sa place, c’est au travail !



Partant du principe que nous passons plus de la moitié de notre vie au travail, il est évidemment impossible, même si c’est plus confortable je vous l’accorde, de ne pas être vulnérable au travail.


Alors qu’en fait, la règle est très simple :
Pas de vulnérabilité, pas de créativité ;
Pas de tolérance à l’échec, pas d’innovation.


Quand on crée une culture d’entreprise où la vulnérabilité n’est pas du tout tolérée, où le perfectionnisme et l’armure sont nécessaires et favorisés, on ne peut pas avoir de vraies conversations, des discussions difficiles, elles ne sont pas productives.


Confiance. Équité. Intégration. Ces mots ont un lien direct avec la vulnérabilité.


Prendre une décision étique;
Donner un retour, en recevoir;
Résoudre un problème;
Tout cela à avoir avec la vulnérabilité.


Le problème est que bien souvent les conversations difficiles sont évitées, les décisions, arbitraires. Ces positions sont la définition même du privilège. Votre confort n’est pas le cœur de la discussion.


Est-ce que vous allez avoir des revers en faisant face à ses discussions ? Bien sûr, c’est le risque à prendre quand on s’attaque à ce genre de discussions. On écoute, on apprend et il ne faut pas culpabiliser les gens.


Les leaders courageux ne se taisent jamais sur les choses dites difficiles. Faire émerger ce qui est tu, demande du courage et de la vulnérabilité.


Il reste beaucoup de travail pour faire avancer les choses, un pas a été fait quand les valeurs de la société sont affichées, beaucoup d’autres pas restent à faire pour que ses valeurs affichées vivent quotidiennement au sein des équipes. Les deltas sont encore bien trop grands, il n’y a qu’à observer, les turn-over, arrêts maladie, pour constater d’un mal-être.


Selon des études, il existe 3 composantes de la rareté discutée plus haut dans l’article et la façon dont elles influencent nos sociétés, je vous laisse méditer sur ces questions :


- La Honte : la peur du ridicule et le dénigrement sont-ils utilisés pour diriger et/ou discipliner les gens ? La valeur des individus est-elle liée à l’accomplissement, la productivité ou l’obéissance ? Les reproches et les délations sont-ils la norme ? Le rabaissement et la critique sont-ils endémiques ? Qu’en est-il du favoritisme ? Le perfectionnisme est-il encouragé ?


- La comparaison : une saine compétition peut être bénéfique, mais la comparaison systématique est-elle monnaie courante ? La créativité a-t-elle été étouffée ? Les gens sont-ils mesurés à l’aune d’un seul critère plutôt que reconnus pour leurs dons et leurs contributions ? Existe-t-il une manière d’être ou une forme de talent idéale, utilisée pour mesurer la valeur de toutes les autres ?


- La démotivation : les gens ont-ils peur de prendre des risques ou d’essayer des nouveautés ? Est-il plus facile de rester silencieux que de faire part d’histoires, d’expériences, d’idées ? A-t-on l’impression que personne n’écoute et ne fait attention ? Quelqu’un lutte-t-il pour se faire entendre ?


En conclusion, je ne vais pas vous mentir, la vulnérabilité, c’est dur, ça fait peur, et on se sent en danger, mais ce n’est pas aussi difficile, effrayant et dangereux que d’arriver à la fin de sa vie en se demandant : « Et si j’avais osé ? »


« Ce n’est pas la critique qui importe ou bien la personne qui pointe l’homme fort qui a trébuché ou explique comment on aurait pu faire différemment. Le mérite revient à celui qui est dans l’arène, dont le visage est couvert de poussière, de sueur et de sang, qui combat vaillamment, qui porte un message, qui montre ses limites, encore et encore, et qui à la fin, qu’il réussisse triomphalement ou qu’il échoue, a au moins grandement osé. »
Théodore Roosevelt, partie du discours de 1910.