Reconversion : mon partage d’expérience

Reconversion : mon partage d’expérience


« La liberté a un coût mais sa valeur est inestimable. »


Cette crise aura mis en évidence la question du sens dans nos vies et notamment du sens au travail. Selon une dernière enquête YouGov pour Monster, 55% des salariés français se posent des questions sur leur job actuel.
2 phénomènes sont mis en évidence : ceux que la crise galvanise et qui se jette dans une reconversion, dans un changement d’emploi et ceux qui, par crainte de l’avenir, par sécurité, préfère rester dans leur emploi actuel. Pas de jugement à cela, ces phénomènes sont très marqués et je le vis tous les jours en consultation au cabinet.


Aussi, m’est venu l’idée de vous parler de ma propre reconversion. Elle est mûre aujourd’hui pour que je puisse vous en parler. Mon changement de vie a eu lieu il y a 5 ans, et aujourd’hui le grand changement est derrière moi, alors je peux vous parler librement et en toute authenticité de ce qu’il s’est passé. Parce que je vois beaucoup trop de choses complètement aberrantes sur les reconversions, comme si ça allait se passer comme un épisode de « la petite maison dans la prairie », ou encore que ça n’allait pas être impactant pour vos vies, que vous n’allez rien perdre au début en tout cas : il n’est en rien. Un changement de vie est impactant et bouleverse complètement, votre vie et celle de votre entourage, et je trouve important d’en être conscient.


Si vous réfléchissez à une reconversion, le point de départ est le même pour beaucoup : votre vie professionnelle actuelle ne vous convient plus et impacte votre vie en générale de façon négative. Je ne reviendrai donc pas à cette étape.
J’ai pris le parti de vous parler des étapes que vous passerez tout le long de votre parcours.



I. Tout quitter ou diminuer mes heures et faire mon activité à côté, plus en douceur ?


Pour ma part la deuxième option (en douceur, en gardant mon job) n’avait même pas été envisagée. Ce qui a été évident depuis le début, c’est que je voulais :
- devenir indépendante, une volonté que j’ai souvent eu depuis que j’ai commencé à travailler
- changer de domaine.


Avec le recul, ce choix a été le bon pour moi : l’Envol ne serait absolument pas sur la même dynamique si j’avais fait cela en activité secondaire pendant un temps, j’en suis persuadée.


Je n’aurais pas pu avoir un si grand écart entre d’un côté, quelque chose qui ne me correspondait plus, où je ne me sentais plus à ma place, plus en phase avec mes valeurs, et de l’autre un nouveau projet qui me porte, pour lequel j’investis mon temps, mon énergie, ma créativité.


Il a fallu que je retrouve ma liberté, pour que je sois libre de créer ma société à mon image, avec une toute nouvelle impulsion et surtout une créativité que je ne me suis jamais connue auparavant dans ma vie de salariée.
Ça a été extrêmement libérateur et y compris pour découvrir de quoi j’étais capable.
Je n’aurais pas pu déployer mes ailes autrement que dans cette configuration.


C’est le choix le plus risqué, j’en ai conscience (et c’est absolument le cas il ne faut pas se mentir), mais j’ai toujours pensé et même bien avant cela, que pour avoir quelque chose de tout nouveau, il faut savoir lâcher l’ancien. Je ne peux pas accueillir quelque chose dans ma vie si j’ai les mains pleines d’autre choses. Il n’y a pas de place pour du neuf, pas de place pour créer du beau.
Cette décision a donc été naturelle pour moi et j’ai accepté les risques qui vont avec, ça a fait partie du jeu.



II. La perte de mes sécurités financières


Ce premier choix étant fait, il a fallu rapidement que je me confronte à la réalité. J’étais partie sur le fait que j’allais bénéficier du chômage français, je me suis renseignée sur la période à laquelle j’avais droit et sur le montant de l’allocation allouée. En mettant en parallèle ma vie actuelle, mon logement, ma voiture, mon niveau de vie, le constat a été sans appel : mon train de vie allait forcément diminuer.


Bien sûr que ça fiche la trouille, alors pour me rassurer, pour écouter cette partie-là de moi qui avait peur, je me suis fixée une limite : « Ok pour ce changement de vie Émilie, mais si dans 3 ans* ça ne va pas, tu arrêtes ! 3 ans où tu es ok pour changer ton niveau de vie, 3 ans où tu vas peut-être moins partir en vacances, moins aller au restaurant. 3 ans où ça va être plus compliqué ! Mais 3 ans sur une vie ce n’est rien et ça peut valoir tellement le coup tout ça, allez ok j’y vais ! »


Cette étape-là m’avait vraiment rassuré et m’a vraiment permis d’y aller.


Pendant cette période où je me préparais psychologiquement à ce changement (qui s’est déroulé quand j’étais encore salariée alors que je savais que j’allais partir), je savais que le plus difficile serait de me défaire de la partie « confort financier ».


Et en avançant dans mes questionnements, dans mes peurs par rapport à cela, ce qui en a émergé, comme une surprise : c’est aussi la peur de quitter un certain statut social.
Finalement, malgré ce que je pouvais en penser, l’image était importante : la belle voiture, le beau logement, etc, était devenu quelque chose d’important pour moi. Quelque chose de rassurant, qui me sécurisait.


Une de mes plus grosses préparations à ma reconversion a donc été de me préparer sur la partie financière et également la partie « perte de mon statut social ». Et c’est bien souvent ici que le bât blesse dans les accompagnements d’ailleurs. Là où les peurs sont les plus fortes et les résistances aussi.


Cette période-là, pour ma part, a été vécue entre moi et les thérapeutes qui m’accompagnaient, je ne voulais pas que mes proches m’influencent avec leurs peurs à eux, les miennes étaient déjà assez et il fallait vraiment que je passe le cap en toute confiance. Ce que j’ai finis par faire.


* 3 ans étant la moyenne pour qu’une entreprise commence à respirer



III. L'entourage


J’ai mis au courant mon entourage proche lorsque les démarches avec ce qui allait devenir mon ancienne société étaient engagées. J’étais prête pour ce changement de vie et sûre de moi.


Et heureusement, car les réactions ont été immédiates :
« Mais Émilie, mais qu’est-ce que tu fais ? »
« Mais tu ne vas quand même pas quitter Luxembourg ! »
« Et qui plus est un CDI ! »
« Mais qu’est-ce que tu vas faire ? De quoi tu vas vivre ? »


Bref, les questions ont fusé, les craintes aussi.


Leurs craintes, car en fait mes proches ne me parlaient que de leurs craintes, de toutes les raisons qui font que eux ne feraient jamais ce que je faisais.
J’ai pris le temps de leur expliquer ma démarche et je les ai rassurés.
Finalement, en voyant que je n’étais pas paniqué et même confiante, mes proches ont pris le parti de me faire confiance aussi. Ça chamboulait fort pour eux aussi, mais ils suivaient.


Aujourd’hui dans mes accompagnements, je parle de l’importance de communiquer avec son entourage proche, les personnes avec qui l’on vit. La réussite ou l’échec de votre projet dépend aussi d’eux. Ou encore la pérennité de votre foyer qui peut aussi dépendre de ce changement de vie, il y aura forcément beaucoup d’impact : financiers, personnel, sur le rythme de vie, sur vos horaires, votre temps de travail, etc. Et je trouve qu’il faut être clair dès le début, d’abord avec vous-même, et ensuite avec vos proches.



IV. Chemin dans l’inconnu


Le vrai top départ, le vrai moment où je me suis dit « ça y est tu y es » n’a pas été le dernier jour de travail, ce jour-là je me suis sentie vivante, tellement libre et en même temps avec un mélange de trouille de « olala ça y est, à partir de maintenant c’est tout nouveau devant toi et c’est à toi de le créer. Sacré vertige quand même, mais galvanisant ça a été pour moi.


Le vrai moment où ma vie a changé, a été le moment où j’ai vendu ma voiture, mon 4X4 et où le nouvel acquéreur est parti avec. J’ai regardé ma voiture partir, qui symbolisait mon ancienne vie, et j’ai pleuré. Je ne pleurais pas pour la voiture en soi, mais pour ce qu’elle symbolisait, là je recommence en bas, là « je ne suis plus rien, il y a tout à reconstruire » et pour l’égo, ça s’est compliqué. Et il ne faut absolument pas nier cette partie-là, elle existe dans chaque reconversion et notamment ici dans la région dans laquelle nous vivons, l’image est extrêmement importante.


Le changement commence par là. Perdre ce que je pensais être.


Ce que je pose aussi ici, je vous le dis après ces 5 ans de recul, mais sur le coup je ne voyais pas cela : quelle pression d’enfer je me mettais lorsque j’étais au chômage et qu’en parallèle je me formais à mon nouveau métier.


Je m’astreignais à un rythme incroyable avec réveil à 8h tous les matins, etc. En fait je culpabilisais « de ne rien faire », dans cette société où il faut être efficace tout le temps, je ne me sentais pas à ma place, je me sentais en marge et je faisais tout ce que je pouvais en compensant, en m’occupant, en remplissant mes journées. Je me mettais cette pression et le miroir en face, mon entourage me le renvoyait très bien : « alors tu as fait quoi aujourd’hui ? » « Ça avance tes formations ? » « Bah dis donc cool la vie ! » quand j’avais osé dire que je m’étais levée à 08h30 le matin.


Dans cette société où il faudrait passer d’une chose à l’autre sans pause, et être tout de suite au top, il m’aura fallu 3 mois pour que je me repose de cette vie que je venais de quitter. 3 mois où je dormais énormément, j’étais épuisée.


Dans la reconversion, à certains moments, la solitude est là. On ne se sent pas compris, on ne comprend pas non plus ce qui se passe, on sent que ça bouge beaucoup, c’est très perturbant.
On sait ce qu’on a été mais pas encore ce qu’on sera. Cet entre-deux est assez inconfortable.


Si je pouvais aujourd’hui dire quelque chose à cette Émilie de cette époque, ce serait « REPOSE TOI et arrête de culpabiliser ! Ne fais rien là et c’est ok. Tu n’es plus obligée de vivre comme avant, tu ne voulais de toute façon plus de cette vie-là ! Tout va bien se passer. Cool. Respire. »


Finalement le pire ennemi, celui qui vous mettra des bâtons dans les roues, ce sera vous, les autres ne seront que votre miroir. Travaillez sur soi pendant cette période est vraiment indispensable. Ce n’est pas du luxe, c’est la base.



V. Une école de la Vie


Ces 5 dernières années ont été un véritable condensé de vie.


L’impression que j’ai eu quand j’ai ouvert ma société a été de découvrir un nouveau monde. Comme si jusque-là j’avais eu des œillères autour de mes yeux et que là d’un coup je n’en avais plus. J’ai découvert d’autres personnes d’horizons différents que ce que j’avais connu jusque-là, d’autres façons de vivre et qui étaient super aussi, finalement il y a tellement de façons d’être et de vivre, ça a décapsulé complètement l’idée que je me faisais de « réussir sa vie ».


J'ai appris à connaître petit à petit, le rythme de vie, de travail, qui est fait pour moi, pour mon organisme. Aujourd'hui je sais à quel moment je suis naturellement plus efficace, quand mon attention est vive. Et je sais les moments de repos, où mon esprit a besoin de déconnecter. J'ai appris dans ces moments à me reposer, et à être créative à d'autres avec des activités ludiques telles que la peinture, l'écriture, etc. Cette danse, ce rythme, est personnel, et je pense aujourd'hui que chacun à le sien et qu'il serait bon, également en entreprise, d'accorder ces temps avec des flexibilités horaires notamment.


Ouverture également dans le sens où j'ai découvert avec cette reconversion, que je suis ma seule limite à mes projets.
J'ai réalisé des choses auxquelles je n'aurais jamais pensé il y a encore 6 ans: donner des conférences, animer des stages, des ateliers, devenir chroniqueuse à la radio, écrire un roman, et même bien sûr accompagner des personnes dans leurs maux et leurs transformations.
Cela donne une grande impulsion, et c'est un moteur puissant qui fait traverser les aléas, puisque je connais mon objectif, mon "pourquoi" et je sais aujourd'hui, que je peux compter sur moi en toute circonstance. J'ai appris à me faire confiance, j'ai foi.


Puis, de par mon métier, celui que j’ai choisi et qui me plaît tellement, je découvre aussi « la face cachée » que l’on ose pas montrer dehors, dans la société, que l’on ne pense « pas aimable » et vraiment si vous saviez comme on se ressemble tellement, avec nos peurs, nos craintes, nos protections, nos résistances et nos transformations. L’être humain est fantastique et jamais je ne pourrais me lasser de cela.
Malgré une crise, des confinements, mon covid long, les difficultés, je suis encore là et ma motivation n’a pas changé d’un iota.


Je n’ai jamais autant appris sur moi-même depuis que je suis mon propre chemin. J’ai créé de toute pièce L’Envol qui existait au début que dans ma tête et aujourd’hui je suis fière de cela. Je suis fière de celle qui a émergé aussi de toutes ces expériences et justement forte de mon expérience, cela colore aussi mes accompagnements forcément.


« Chacun comprend lorsque lui-même est confronté à la même situation. C’est humain. »


Si je devais vous dire une dernière chose, c’est que c’est dans les périodes de crise que les gens se révèlent. Ça fait peur bien sûr de changer de vie, de quitter le connu, mais ce qui fait le plus peur je trouve c’est de regarder son chemin plus tard et d’avoir des regrets sur ce que votre vie aurait été si vous aviez été plus courageux.


Aujourd’hui, cela fait 5 ans que je ne me suis plus levée à 6h00 le matin ;
Que je ne cumule plus 3h de voiture par jour pour arriver à mon travail ;
Que j’ai pu adapter, librement, mon temps de travail lorsque j’ai eu ce covid long qui m’a invalidé pendant 8 mois ;
Alors oui il y a de gros inconvénients (revenir chaque mois à 0 niveau CA, pas de sécurité financière sur l’avenir notamment quand nous sommes à notre compte) mais il y a tout autant de gros avantages.


« Qui dit gros risque, dit gros avantages.
Beaucoup d’inconvénients, beaucoup d’avantages.
Une pièce a toujours deux faces.
Dans une situation, vous trouverez toujours les opposés,
à la hauteur du risque pris à la base. »



Pas de leçon ici, je vois tellement de tout dans mes accompagnements tous les jours, et je n’influence jamais, je ne suis personne pour cela. Ici, je vous ai donné un aperçu de ce que je pense et qui fait aussi celle que je suis. C’est une petite partie de mon histoire et si elle peut résonner et vous permettre d’oser, ce sera super. L’aventure est belle. Pas facile. Mais elle vaut tellement le coup.