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D’après une enquête de Nouvelle Vie Pro, 9 français sur 10 ont envie de changer de vie, ou tout du moins de changer de métier. Sur cette proportion, 28 % se sont lancés et 64 % avouent ne pas avoir encore passé le cap.

Je constate dans cette période Covid, un contraste des croyances, passant de « vu la période, je serre les dents, je reste tant bien que mal, je verrais plus tard » et « vu la période, je vois bien que plus rien n’est stable, y compris un CDI, alors je me lance ».

Il y a les statistiques et il y a tout ce qui se passe dans nos têtes quand nous réfléchissons à nous reconvertir, quand nous savons que cette vie-là que nous menons ne sous satisfait plus, va bientôt prendre fin. Tellement de phases et d’étapes, utiles et nécessaires, qui prennent du temps.

Je peux voir, et entendre que la reconversion serait presque devenue LE truc à faire, « à la mode », c’est beaucoup trop édulcoré à mon goût puisqu’une reconversion implique toujours des choix et des conséquences importantes, pour la personne et son entourage proche.

Parce que je suis passée par là, parce que j’accompagne aussi dans cette transition de vie, voici ce que j’ai pu vivre et constate régulièrement dans mon cabinet.

I. Les freins principaux à la reconversion

Il ne faut pas se mentir, ni même se cacher cette réalité très pratique, à partir d’un certain seuil, et je dirais même dans notre région particulièrement avec le Luxembourg juste à côté, la rémunération mais aussi l'image peuvent devenir un frein à la reconversion, parce qu’elles peuvent enfermer la personne à la bifurcation dans une prison dorée de croyances, liées au style de vie engendré par ces revenus.

On appelle cela « le syndrome de la cage dorée » qui peut pousser à procrastiner l’exploration du désir de reconversion, même quand il est très fort, et réduire les efforts de réflexion à néant. A chaque fois qu’une idée vient, à chaque possibilité d’aller fouiner, expérimenter, mener une démarche ou trouver de l’information, des objections viennent les tuer dans l’oeuf. La réflexion tourne en rond, à vide, sans but, d’objections en objections, la personne avance à reculons.

C’est très pratique, au fond, car tant qu’elle ne peut pas déboucher sur quelque chose de concret, cela permet d’entretenir le sentiment de réfléchir sans en prendre le risque (celui de tomber sur un projet réalisable et pertinent qui pourrait les obliger à s’envoler de la cage.)

Car ces mécanismes inconscients mènent immanquablement à la conclusion que « la reconversion » n’est pas possible et que de toute façon, « un job où on se fait plaisir, ça ne paye pas » et inversement, « un job qui paye, c’est 80 heures par semaine ». Et c’est d’autant plus le cas dans cette époque où on a réussi à faire confondre statut et temps de travail.

Alors officiellement, il y a réflexion, mais dans les faits, pas vraiment de concret pour favoriser la réflexion et bientôt la personne se retrouve à tourner en rond. Un mécanisme bien huilé et exemplaire d’une stratégie d’échec destinée à lui faire admettre qu’elle « n’a pas le choix » et qu’elle doit continuer de faire la même chose.

Parfois d’ailleurs, c’est le cas. La réflexion et l’accompagnement sont comme une bulle où la personne peut effleurer des changements de vie qui sont plus de l’ordre du fantasme et y rêver, pas tout à fait en toute quiétude, mais sans grand risque de tomber sur une piste concrète qui pourrait les inciter à envoyer leur vie bien tracée balader. Et après tout pourquoi pas ? C’est peut-être aussi ce dont elle avait besoin, cela peut permettre de changer de regard sur sa valeur travail et sa vie en générale.

Il est aussi, un frein, quelque fois pas avouable au premier abord, qui est la question de l’identité et de l'existence. Notons que si les prisonnier(e)s de la cage dorée sont immobilisé(e)s par leur revenu ou leur statut, ce n’est pas le plus souvent par désir d’admiration ou le sentiment de prestige, mais plutôt par besoin d’appartenance, de rester membre de la caste, parce qu’elle est un signe de leur existence, et parfois même l’un des seuls.

Ils n’ont pas toujours non plus le sentiment de s’être battus pour en arriver là, ce qui expliquerait qu’une reconversion pourrait les dépouiller d’une part de mérite, de fierté personnelle. C’est souvent un chemin logique qu’ils ont suivi, parfois d’ailleurs sans grand effort autre que de travailler beaucoup (beaucoup trop).

Changer de vie peut souvent générer l’incompréhension du milieu socio-professionnel, qui va plus ou moins chercher des raisons à votre désir de changer de vie professionnelle. Avec quelques fois des suspicions de ne pas avoir été à la hauteur dans votre job actuel. En tout cas qui peut vous renvoyer tout ce que vous allez perdre en quittant ce milieu socio-professionnel. Ils ne le font pas exprès, ne perdons pas de vue qu’un changement de vie professionnelle impacte aussi vos collègues ou collaborateurs les plus proches, qui vont les amener à se questionner sur leur choix de vie à eux. Bien sûr cela peut générer des réactions, qui pourront aussi influer sur vos choix et décisions, c’est systémique.

N’oublions pas que la réorientation professionnelle inclue une part identitaire qui est sans doute l’une des dimensions les moins accompagnées et les plus délicates. Il peut être difficile de s’imaginer une forme d’existence ou d’identité propre en dehors de son appartenance à son milieu.

Pour ceux pour qui se sentent enfermés derrière les barreaux étriqués et inconfortable de la cage dorée, ceux qui ont conscience des mécaniques qui les y maintient, qui aspirent à en sortir pour parvenir à se mettre à des démarches exploratoires qu’ils ont procrastiné jusqu’ici, voici quelques pistes.

II. 8 pistes de réflexion pour se lancer, ou pas d’ailleurs

1- Accepter que la réflexion n’est pas une prise de risque

La réflexion n’est que ça, une réflexion et elle est à distinguer de la reconversion qui ne commence réellement que lorsque vous la lancez concrètement, par exemple en rentrant en formation.

Tant que vous n’avez pas pris de décision définitive, vous ne prenez aucun risque, vous ne faites que réfléchir, et une simple démarche d’information ne vous engage à rien!

2- Comprendre les conséquences de l’absence d’exploration sur l’entourage

En coaching, il arrive que l’on demande à notre client de s’imaginer une personne en qui il fait confiance, une personne de bon conseil pour lui. De se mettre à la place de cette personne choisie (qui a une vraie place à ce moment-là dans le cabinet d’ailleurs) et de lui demander ce qu’elle ferait à sa place.

Un autre exemple serait vos enfants si vous en avez, que leur transmettez-vous comme leçon de vie ? Faites-vous parti des personnes qui souhaitent transmettre à leurs enfants que l’argent n’est pas tout dans la vie et qu’ils peuvent choisir la vie professionnelle qui les rendra heureux ?
Si tel est le cas, en sachant que vous êtes un exemple pour eux, pensez à vos propres choix de vie. En ne choisissant pas, en continuant malgré tout, vous leur démontrez le contraire en restant coincé(e) dans votre situation. Ils apprendront que pour vous, la vie, c’est être un bon petit soldat et à serrer les dents.

Nous pouvons encore parler de la personne qui vit avec vous, qui subit aussi tout votre stress et votre mal-être au travail, et qui entend quotidiennement vos plaintes et voit vos réactions. Cela renvoi bien sûr à la vie que vous avez envie de mener, celle dont vous imaginez idéalement.

Je sais que ce point peut faire grincer des dents, je l’entends et le comprends, c’est normal, mais comme dit plus haut, une reconversion impacte aussi tout votre entourage proche. Il s’agit de votre vie, votre choix, et croyez que toutes les personnes qui vivent avec vous, ne veulent finalement qu’une seule chose : que vous soyez heureux ! Que des rires éclatent plus souvent à la maison.

3- Mesurer les besoins financiers réels

Souvent, les candidats à la reconversion justifient leurs besoins financiers par ce que ça leur permet de faire pour les autres.
Par exemple « je ne peux quand même pas priver mes enfants de ski ».

D’autre part, bien des points peuvent être ré-évalués sans pour autant dépouiller toute la famille d’activités importantes à ses yeux, de la taille de la maison à la nature des vacances en passant par la voiture, l’habillement et tout un tas de dépenses qui compensent le mal-être plus qu’elles ne suscitent de bien-être.

Une idée serait de vous fixer, d'abord entre vous et vous, une période dans laquelle vous acceptez en conscience de diminuer votre niveau de vie.
Exemple: Ok, je décide que pendant 3 ans j'accepte que je n'ai pas le même niveau de vie qu'avant, peut-être plus de vacances 3 semaines à l'étranger, peut-être plus autant de restaurants, etc.
Et une fois cette période passée, prévoir un bilan pour faire le point honnêtement avec vous sur la situation.
Une fois cette période fixée entre vous et vous, je vous recommande d'en parler avec les personnes qui vivent avec vous, pour éviter les éventuelles frustrations de la famille qui penseront continuer leur vie "comme avant". Communiquer, encore et encore, que chacun comprenne vos motivations et ce qui aujourd'hui, vous anime.

Identifier ses besoins financiers réels permet parfois une prise de conscience salutaire sur la faisabilité d’un changement de métier.

4- Prendre conscience de ce qu’on cherche à satisfaire par le niveau de vie

Quel besoin ? Comment le combler autrement, dans une vie professionnelle future ?

Par exemple, la reconnaissance ou l’appartenance évoquées plus hauts, sont des besoins fondamentaux. De quoi, concrètement, avez-vous réellement besoin pour les satisfaire ?

5- Accepter de changer d’identité professionnelle

Ou a minima accepter d’imaginer celle qui sera en harmonie avec vous et ses diverses déclinaisons dans des métiers différents, juste pour voir ! On ne sait jamais, vous n’êtes pas à l’abri d’en trouver une qui vous plairait vraiment !

Je le constate dans mes stages, au moment des présentations, je demande toujours aux participants « qui êtes-vous » et dans 90 % des cas la personne me répond par son métier, son titre et son secteur d’activité.

Accepter de changer d’identité professionnelle, c’est aussi prendre un temps pour se demander « à partir de maintenant, qui j’ai envie d’être ? Quelles valeurs j’ai envie de nourrir ? » et d’essayer déjà, pour un temps, de ne plus s’identifier à ce que je fais dans ma vie professionnelle. Voyez comment vous vous sentez pendant ce cap. Est-ce confortable pour vous ? Libérateur ? Ou au contraire vous vous sentez perdu ?

6- Traiter les enjeux de la perte de statut

Evaluer les valeurs et convictions que vous négligez en restant coincé(e) dans un métier et, inversement, celles que vous honorez en vous en libérant. Vous pouvez même dresser une liste.

Ne négligez pas cet aspect qui peut générer beaucoup d'angoisses. Je vous partage ici une anecdote personnelle sur ce point pendant ma reconversion. Il était clair et calculé que mon niveau de vie allait diminué après mon départ de mon ancienne société. Mais je repoussais mois après mois, la vente de ma voiture, mon beau 4X4 acheté une année auparavant. Puis, un jour, plus le choix je devais vraiment le vendre. Je l'ai fais, mais à reculons. Le jour de la vente, sans m'en rendre compte, au moment du départ de l'acheteur avec ce qui était devenu mon ancienne voiture, je me suis mise à pleurer. ça m'a surprise moi-même. En fait, je venais de me rendre compte que je perdais mon statut social, l'image que je renvoyais au monde se prenait une claque et je ne pouvais plus revenir en arrière sans avoir encore aucune garantie sur le pari que j'avais fais. Aujourd'hui plus de 4 ans, j'en ris, mais sur le coup et pendant quelques mois, c'est plutôt la honte qui tapait régulièrement à ma porte. Aussi, je sais l'importance que cela peut avoir, et non ce n'est pas être superficiel de penser comme cela, la société nous éduque à cela.
Sortir des conditionnements demande une bonne dose de courage et d'audace.

7- Comprendre les conséquences de l’absence d’exploration pour soi

Verbaliser avec précision les risques encourus à rester prisonnier(e) de cette cage dorée peut permettre de débloquer la réflexion, lorsque vous vous rendez compte que l’argent ne parvient pas à compenser le manque de sens et que, de coup de fatigue en coup de fatigue, il y a un moment où vous risquez surtout de ne plus être en mesure de travailler du tout.

Où serez-vous dans un an ? Dans 5 ans ? Dans 10 ans ?

8- Le renoncement possible

Gardez en tête qu’à tout moment, si vous déterminez qu’un projet n’est pas pour vous parce qu’un élément réel et tangible (et non pas l’idée que vous vous faites d’un métier sans être allé(e) y voir de près) est incompatible avec vos besoins, vous avez la possibilité de renoncer à ce projet. Et que le faire en votre âme et conscience, c’est bon pour l’estime de soi, là où tourner en rond et prendre des non-décisions en non-connaissance de cause risque de vous laisser un goût amer.

Ces étapes font parties du processus, l’étape de la procrastination et de toutes les peurs liées à ce changement, sont des étapes. De grandes étapes d’ailleurs qui permettent de ne pas nous plus se brûler les ailes et de foncer tête baissée.

Cela vous aura permis en tout cas de réévaluer vos valeurs, votre identité, vos besoins, votre vision de votre vie, qui peut s’ajuster régulièrement. Ce que vous êtes et qui est important pour vous à un moment, ne peut aussi plus l’être tout à fait, 1, 5 ou 10 ans plus tard. Et c’est ok.

Je vous souhaite de bonnes réflexions.